Les Conseils de Djeha

Dans cette contrée lointaine, un village s’animait régulièrement autour de joutes oratoires.
Ce jour-là, le débat portait sur ce qui pouvait avoir le plus de valeur.
Nul n’arrivait à faire l’unanimité et le débat était sans cesse relancé.
Alors que la journée touchait plus vite à sa fin que ces longs et interminables échanges, les jouteurs décidèrent de s’adresser à Djeha, sage parmi les sages du village.

La foule qui composait l’auditoire accompagnait alors les jouteurs jusqu’au verger de Djeha où elle le trouva, comme à son habitude, grignotant des amandes grillées à l’ombre de son olivier préféré.

Ironiques et condescendants les jouteurs interrogèrent Djeha :
« Djeha, sage parmi les sages, nous sommes désolés de t’interrompre de la sorte dans tes méditations.
Tu es connu pour être le plus curieux et le plus malin des hommes.
Saurais tu nous éclairer ?
Peux-tu nous dire ce que tu considères comme le bien le plus précieux au monde ? »

« Je ne dirai pas que ce qui est le plus précieux soit un bien, répondit spontanément Djeha.
Je préfère vous affirmer que seul un bon conseil a tant de valeur qu’il est sans commune mesure ! »

Les jouteurs et la foule ont unanimement acquiescé. Curieux de tester la pertinence de Djeha, ils ajoutèrent :
« Peux-tu nous dire, grand sage, quel est le bien qui est le moins précieux au monde à tes yeux ? « 

La réaction de la foule fit sourire Djeha. Il répondit simplement :
« Je ne dirai pas que ce qui a le moins de valeur soit un bien.
Je préfère clamer haut et fort que seul un bon conseil est sans nul doute ce qui a le moins de valeur ! »

La foule est restée bouche bée, les jouteurs, quant à eux, s’agaçaient d’une réponse aussi illogique :
« Comment une chose peut-elle être à la fois sans valeur et la plus précieuse ?
Djeha ! Soit tu te joues de nous, soit tu as perdu raison ! »

« Mes amis, répondit Djeha en caressant sa barbe blanche, croyez-moi, je sais de quoi je parle et ma raison est intacte.
Je vous le redis, un bon conseil est ce qu’il y a de plus précieux au monde si on le suit, mais il n’a absolument aucune valeur si on ne l’écoute pas. »